Apple et Google s'invitent sur le terrain d'Amazon

Martin Peers,

THE WALL STREET JOURNAL

La porosité croissante des frontières entre les différents produits high-tech risque de pousser Amazon.com dans ses retranchements.

L'accentuation de la concurrence est peut-être le plus grand sujet d'inquiétude pour les actionnaires du distributeur en ligne, dont le titre affiche actuellement une valorisation stratosphérique d'environ 51 fois les résultats estimés pour 2010. A titre de comparaison, Apple et Google s'échangent à des multiples respectifs d'environ 27 et 26. Or ces groupes commencent tous deux à empiéter sur le territoire d'Amazon.

De fait, les trois groupes se retrouvent aujourd'hui en concurrence frontale, après avoir longtemps travaillé sur des marchés différents. L'arrivée de Google dans le secteur de la téléphonie mobile, avec notamment le lancement d'un téléphone que le client achètera directement sur Internet, est une réponse sans équivoque à l'iPhone d'Apple. Mais Amazon, qui vend déjà des téléphones portables sur Internet, pourrait aussi pâtir de cette initiative.

Des trois groupes, Amazon est probablement le plus vulnérable face au renforcement de la concurrence, aussi bien en raison de l'ampleur de son éventail d'activités que de l'importance accrue du commerce électronique. Le dévoilement prochain par Apple d'une tablette multimédia, qui devrait comporter un lecteur de livres électroniques, menace ainsi directement son Kindle, le produit le plus vendu par Amazon en 2009. La tablette devrait en outre permettre de regarder des films et des programmes télévisés, ce qui devrait affecter le service de vidéos à la demande d'Amazon.

Il est toutefois difficile d'évaluer l'impact qu'auront les deux nouveaux produits d'Apple et de Google, dans la mesure où Amazon ne dévoile aucun détail concernant ses ventes produit par produit.

Concernant les livres électroniques, la concurrence de la tablette d'Apple est peut-être surestimée. On peut raisonnablement penser que l'objectif d'Amazon avec le Kindle était de dominer les ventes de livres numériques plutôt que celles des appareils électroniques. Rappelons qu'Amazon a développé pour le Kindle un logiciel compatible avec l'iPhone et l'iPod Touch d'Apple, ce qui permet aux clients d'acheter les livres Kindle sans acheter l'appareil lui-même. Ce même logiciel devrait donc également être compatible avec la tablette d'Apple. De plus, dans la mesure où la tablette permet la lecture de livres numériques, elle pourrait au contraire augmenter le nombre de clients susceptibles d'acheter ces livres.

Tout cela serait très intéressant pour Amazon, déjà leader dans la vente des livres numériques, si Google ne prévoyait pas de son côté d'ouvrir cette année une librairie numérique, baptisée Google Editions. Les clients pourront acheter des livres numériques pouvant être lus sur toute une série d'appareils. Surtout, Google prévoit d'autoriser l'ouverture de cette librairie aux libraires indépendants, renforçant ainsi leur capacité à concurrencer Amazon.

Amazon s'est toutefois constitué une solide base de clientèle avec sa plateforme d'achats en ligne et a réussi à la fidéliser. Il n'est donc pas certain que les projets de Google puissent ébranler cette base pour le moment. A long terme, en revanche, la situation pourrait changer, et pas seulement en ce qui concerne les livres.

Aux yeux des investisseurs, le titre Amazon a le gros avantage d'offrir une exposition à la croissance de la part du commerce électronique dans les ventes de détail. Mais maintenant que le groupe a montré combien ce secteur pouvait être rentable, les concurrents sont sortis du bois.

-Martin Peers, The Wall Street Journal

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