Un rapport de recherche dévoile des données inédites sur les
parcours des jeunes placés au Québec
MONTRÉAL et QUÉBEC,
le 19 avril 2024 /CNW/
- Chaque année au Québec, plus de 2 000 jeunes quittent
un milieu de placement de la Direction de la protection de la
jeunesse (DPJ), à l'approche de l'âge de leur majorité. Avoir
18 ans quand on a un parcours de jeune ayant vécu un placement
par la DPJ, cela signifie devoir devenir autonome rapidement, avec
peu ou pas de soutien de son entourage immédiat. À cela s'ajoute un
bagage scolaire souvent moins important que les jeunes n'ayant pas
vécu cette situation.
Les chiffres sont parlants : à l'âge de 21 ans, seuls
37 % des jeunes placés avaient obtenu leur diplôme d'études
secondaires (DES) comparativement à 86 % de la population
générale du même âge. C'est un taux de diplomation deux fois et
demie moins élevé.
La Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec (CRJ)
dévoile aujourd'hui les résultats d'une étude inédite, réalisée
sous la direction de María Eugenia
Longo, professeure à l'Institut national de la recherche
scientifique (INRS), de Martin
Goyette, professeur à l'École nationale d'administration
publique (ENAP) et de Marie Dumollard, professeure à l'Université
de Montréal. Sous le titre Portrait des jeunes ayant été placés
sous les services de la protection de la jeunesse et leurs défis en
emploi, le rapport compte sur la précieuse collaboration de
Mélissa Ziani (INRS) et de Josiane
Picard (ENAP).
Le rapport dévoile un parcours d'autonomisation plus ardu et
plus précaire pour cette tranche de la jeunesse québécoise. En
effet, en plus des informations quantitatives collectées auprès de
1 136 jeunes ayant connu un placement régi par les
services de la protection de la jeunesse, cette étude profite de
données originales collectées sous forme d'entretiens menés auprès
de 30 jeunes.
Ces travaux ont été mandatés et financés par le ministère de
l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, et combinent les
données quantitatives de l'Étude longitudinale sur le devenir des
jeunes placés (EDJeP) et des récits des jeunes dans cette situation
qui ont été interrogés pour la recherche.
Faits saillants
- Le tiers des jeunes de l'EDJeP se retrouve dans la catégorie «
ni en emploi, ni aux études, ni en formation » (NEEF) à 21 ans,
alors que dans la population générale du même âge, ce taux se situe
à près de 10 %;
- Envisager une variété d'outils et de services mieux adaptés à
une période de vie précise permettrait de mieux sécuriser la
réussite de leurs parcours scolaires;
- Chez les jeunes de l'EDJeP, on observe des parcours d'emploi
fortement instables, temporaires et précaires : ces travailleurs et
travailleuses occupent majoritairement des emplois sous-qualifiés,
dans des secteurs caractérisés par de bas salaires et de faibles
protections, tels que le commerce de détail, la vente et la
restauration;
- Les jeunes de l'EDJeP sans diplôme d'études secondaires sont
5,3 fois plus à risque de se retrouver dans la catégorie NEEF;
- Chez les jeunes de l'EDJeP, plus la situation d'habitation est
précaire (instabilité résidentielle ou expérience d'itinérance) et
durable, plus les participants et participantes sont représentés
dans la catégorie NEEF.
Lien vers le rapport
De plus, les résultats acquis par l'équipe ont démontré que les
jeunes de l'EDJeP ayant réussi à obtenir une formation
postsecondaire qualifiante sont ceux et celles qui, lorsqu'ils et
elles atteignent l'âge moyen de 21 ans, occupent des emplois
plus spécialisés et qualifiés en plus grande proportion.
Respect, dignité et
autonomie
Il ressort notamment de cette vaste étude que, pour les jeunes,
une offre de services humaine, sensible, flexible et personnalisée
est primordiale. Comme leurs expériences avec les services sociaux,
et plus spécifiquement les services de la protection de la
jeunesse, n'ont pas toujours favorisé leur autonomie, leur
bien-être ou l'avancement de leur parcours, certains et certaines
vivent de la réticence à se tourner vers des organisations
spécialisées en employabilité.
« À travers les difficultés que ces jeunes
rencontrent en emploi, on observe des failles institutionnelles qui
entraînent des désavantages et des inégalités sociales notables.
Pour les accompagner convenablement, il est indispensable de
soutenir leurs besoins en vue de l'amélioration et de
l'autonomisation de leur parcours, de travailler sur l'accès aux
ressources qui existent et d'améliorer leur condition de vie, et
ceci conjointement avec les employeurs et employeuses qui jouent
également un rôle déterminant dans les solutions. » - María
Eugenia Longo, professeure et
chercheuse en sociologie du travail et de la jeunesse à l'INRS et
cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du
Québec
Ainsi, les analyses de l'équipe de recherche ont démontré que le
fait de se sentir encouragé est en corrélation directe avec
l'atteinte d'un plus haut niveau de scolarité. À travers leurs
récits, les jeunes consultés mentionnent que les liens sociaux dans
le travail, notamment avec les employeurs, et en dehors de celui-ci
sont déterminants pour choisir un emploi - ou un service
d'accompagnement -, y rester ou le quitter. La présence de
personnes significatives vers lesquelles les jeunes peuvent se
tourner semble ainsi être un marqueur important dans leur
cheminement en emploi.
« Il ressort de nos travaux que les jeunes
veulent se sentir accueillis, écoutés et, surtout, souhaitent que
leurs besoins, leurs aspirations, leur agentivité et leur dignité
soient respectés. Poursuivre la recherche en partenariat avec les
jeunes offre l'occasion aux partenaires et aux décideurs
d'améliorer et d'adapter les services et les politiques » -
Martin Goyette, professeur à l'ENAP
et cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du
Québec
Les recommandations du
rapport
Parmi ses conclusions, l'équipe de recherche mentionne que
l'instabilité du milieu de vie peut jouer sur le parcours scolaire
et le début du parcours professionnel de ces jeunes. En effet, le
changement de placement au sein même des services de la protection
de la jeunesse a un impact direct sur le maintien en emploi. Les
jeunes consultés mentionnent avoir été forcés de quitter un emploi
en raison d'un changement de milieu de placement. Il en va de même
pour le milieu scolaire.
L'ensemble de ces constats rappelle les liens forts entre le
statut d'activité et les enjeux dans diverses sphères de vie, que
cela concerne l'état NEEF, le genre, la parentalité, la résidence,
l'état de santé ou encore la trajectoire de placement. Ils
démontrent le caractère incontournable des dispositifs adoptant une
vision globale, intersectorielle, cohérente et sécurisante des
parcours des jeunes ayant eu une expérience de placement sous la
protection de la jeunesse.
Ainsi, soutenir la scolarisation et accompagner les jeunes dans
un début de parcours professionnel sont des exemples de solutions
qui ressortent du rapport. Une vision globale, intersectorielle et
sécurisante de leurs parcours, une meilleure préparation à la vie
adulte et un meilleur accompagnement après l'atteinte de la
majorité civile sont également des éléments recommandés.
« Les parcours d'emploi sont directement liés
aux autres sphères de vie des jeunes, comme la santé, le logement
ou encore la parentalité, qui ont des implications directes dans
l'insertion et le maintien en emploi. Soutenir les parcours
d'emploi des jeunes qui ont été placés ne peut donc se faire sans
tenir compte de cette interdépendance des sphères de vie. » - Marie
Dumollard, professeure adjointe à l'École de travail social de
l'Université de Montréal
Plus largement, les besoins des jeunes vivant une situation de
placement peuvent être à divers degrés similaires de ceux des
autres jeunes au Québec. Mais à défaut d'un soutien familial
évident, et d'un cumul de difficultés non surmontées depuis un
moment, le soutien institutionnel et le milieu du travail doivent
s'engager davantage à offrir une chance égale et équitable à ces
adultes de demain.
Les personnes qui désirent en savoir plus sont invitées à
assister à la Conférence-midi de la CRJ -Les jeunes ayant été
placés sous les services de la protection de la jeunesse et leurs
défis en emploi, vendredi 19 avril 2024, à midi, en ligne. Pour
y participer : INSCRIPTION
SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)